Les battages



Tous les cultivateurs se regroupaient pour faire les battages, la "batterie " employait  jusqu'à une trentaine de personnes, plus ou moins suivant l'importance des fermes, cela durait un mois et demie, du 15 juillet à fin août.

C'était un évènement agricole important, tout le monde était mobilisé, homme, femmes et enfants.

La batteuse, vanneuse, appelée aussi machine à battre était déplacée de ferme en ferme.

Au début la batteuse était entrainée par une machine à vapeur puis par la suite  par un tracteur, l'engin moteur  était placé assez loin pour éviter les risques d'incendie et relié à la batteuse par une grande courroie.



Les hommes  du tas de gerbes ( gerbier) passaient les gerbes aux personnes qui étaient sur la vanneuse, ceux-ci coupaient les liens avec une sorte de couteau serpette et approvisionnaient la machine par l'engreneuse et le plus régulièrement possible.

Avec la modernité, un tapis a été installé pour convoyer les gerbes.

Les échelles étaient en bois, une grosse perche de châtaigner était coupée en deux pour faire la monture et l'assemblage était fait avec des "rollons" ( bois ronds qui servent à assembler et monter)





La paille était envoyée en vrac par l'avant de la machine sur un tapis et vers le pailler.

Les "courtes pailles" étaient récupérées pour être données aux animaux.

Puis une presse a été intercalée entre la batteuse et le tapis , ce qui a permis de faire des bottes de paille.

Il y avait des hommes spécialistes des paillers, ils s'appliquaient à faire le plus beau pailler, bien dressé des tous les cotés et d'un faîtage à deux pans très réguliers; c'était une fierté d'avoir un beau pailler.




A l'arrière de la "batteuse", les hommes " tiraient les sacs ", ils ensachaient le grain dans des sacs de jute, les pesaient, puis les chargeaient sur le dos  des " porteurs de sacs", il y avait aussi des hommes spécialistes du portage, les sacs faisaient 80 kg ou plus.

Les sacs étaient vidés dans les greniers, les accès n'étaient pas toujours faciles, les marches d'escaliers assez rudes, les croisements impossibles.

Les " porteurs de sacs " étaient forts et  solides, ils ne laissaient pas leur place, ils aimaient les " tours de force",  par exemple remplir des grands  sacs de près de 100kg  et les transporter pour défier le concurrent, l'ambiance était très bonne.
Un "monte-sacs" a été installé à l'arrière de la batteuse, les porteurs prenaient  les sacs à leur hauteur.

Vu leur travail, les porteurs de sacs avaient une collation supplémentaire, elle leur était donnée dans le grenier où ils versaient les sacs.
Tous les cents sacs montés une "goutte" (eau de vie) était servie aux porteurs.

Une personne était affectée à la sortie des " balles "  ( enveloppe du grain), elle devait dégager au fur et à mesure les "balles" crachées par la machine, les "balles" étaient transportées dans un "balin", cette personne elle était toujours dans la poussière.
" balin" : grand carré en toile de sac pour transporter la paille, le foin et les balles.

Les "batteries" étaient bruyantes, poussiéreuses, animées, les hommes aimaient se retrouver, le travail était physique, les farces étaient fréquentes.


 
Sur cette photo les hommes se reposent, se rafraichissent, assis sur le "timbre" (abreuvoir), alimenté par une pompe à bras, cette eau était puisée dans des citernes de récupération d'eau de pluie qu'il y avait dans toutes les fermes.

Pour empêcher la poussière et les brins de paille de descendre dans les chemises, les hommes portaient de grands mouchoirs autour du cou, sur cette photo, il est blanc mais très souvent ils étaient à carreaux bleus et blancs ou rouges et blancs. 

Les enfants participaient aussi à la "batterie", ils apportaient les boissons, menthe à l'eau, bière, "piquette", "râpé", vin de la "vegne", vin "bllan", " fil en trois", du café froid avec de l'eau, de la limonade ou du kéfir et l'antésite.

Informations :
- "piquette et "râpé" : boisson que l'on obtient en faisant passer de l'eau sur le marc de raisin , et en y ajoutant du sucre.
- vin de la "vegne" : vin de la vigne.
- vin "bllan" : vin blanc.
- " fil en trois" : eau avec un peu d'eau de vie et du sucre.
- kéfir à l'eau : boisson faite avec un litre d'eau, une dose de ferment pour kéfir de fruits (s'obtient en pharmacie) 15 grammes de sucre ou 3 morceaux, 1/2 citron  et 10 raisins secs. http://coproweb.free.fr/kefir.htm
 ( l'abus d'alcool est dangereux pour la santé)
- l'antésite est un concentré à basse de réglise.

Les femmes avaient beaucoup de travail pour les " batteries", les hommes étaient nourris à la ferme où se passait le battage.

Les femmes se regroupaient aussi, elles confectionnaient les repas et collations.

Les "repas de batteries" étaient servis sur de grandes tables dans la maison, si la maison était assez grande les tables étaient installées dans le "balet" (hangar ), parfois dans les "eçhuries" (écuries), en juillet et août les écuries étaient vides, les animaux étaient aux prés, les écuries étaient très bien nettoyées.

Le repas commençait très souvent par le miget, pain en petits morceaux avec le l'eau du vin, du sucre et servi très frais.

Pour alimenter tous les travailleurs, le "goret" (cochon) était tué quelques semaines avant les battages.
Le four de la ferme était allumé pour cuire les ruelles, rôtis et les terrines de pâté.

Très souvant, le vieux "perot" (dindon) qui était un peu dur de chair, était abatu pour l'occasion et était servi avec
" daus pataches" ( des pommes de terre).

En dessert, la traditionnelle tarte aux prunes était servie.
Pour comparer les tartes les hommes comptaient les prunes qui étaient mises sur chaque tarte.

Le repas était animé, des histoires étaient racontées, des chants étaient entonnés.

Vers 16 heures, le miget était resservi.

A la fin de la batterie, un bouquet de fleurs était mis au faîtage du pailler.

Il arrivait que des hommes restaient pour le repas du soir, les retours se faisaient tard dans la nuit. 


 La dernière "batterie" à Sciecq
Photo Le Courrier de l'Ouest 3 septembre 1965

Cette photo montre la  dernière "batterie " à la vanneuse à Sciecq qui a eu lieu le 3 septembre en 1965 chez M Raoul Mallet.

Puis la " bouffe-tout" (nom donné par les cultivateurs pour désigner la moissonneuse-batteuse) est arrivée, les battages à la moissonneuse ne duraient plus que 15 jours au lieu de 2 mois avec la vanneuse.

La copie des photos, n'est pas autorisée, elles restent propriété des prêteurs.

Source : mémoire des sciecquoises et des sciecquois.

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