Combats du Fortin de Beauséjour

Le 24 février 1915, le colonel Condamy, commandant le
régiment, reçoit l'ordre d'alerter les bataillons disponibles et
de les tenir prêts à partir pour le ravin des Pins, par Courtemont.
L'ordre de départ arrive à 1 h. 15. Le Colonel conduit
lui-même les six compagnies, qui étaient en réserve à Maffrecourt.
Le 1er bataillon (commandant Posth) cantonne à Minaucourt;
le 2e bataillon (commandant Montégu), au ravin des
Pins. Les deux bataillons ont été mis à la disposition du
lieutenant-colonel Bonnin, commandant le 22e régiment d'infanterie
coloniale, pour les opérations projetées contre le fortin
allemand situé au nord-ouest de Minaucourt et connu sous le
nom de Fortin de Beauséjour. Cet ouvrage, pris et perdu déjà
sept fois, avait été enlevé et reperdu, le 24, par le 22e régiment
d'infanterie coloniale.
Harangués, le 26, par le Colonel et mis au courant de ce
qu'on attendait d'eux, les hommes des deux bataillons entrent
aux tranchées dans la nuit du 26 au 27, animés du plus vif
enthousiasme et décidés à s'emparer à tout prix du fortin et à
le conserver.
L'attaque, fixée au 27, doit se déclencher à 15 h. 45. L'artillerie
la préparera par un bombardement serré de 15 h. 30 à
15 h. 45. Les bataillons sont placés face au fortin à enlever.
Le 1er bataillon sur la face Est, le 2e bataillon sur la face Ouest.
La première vague est formée, au 1er bataillon, par les 2e et
3e compagnies; au 2e bataillon, par les 5e et 6e. La 4e compagnie
et la 7e doivent aller renforcer les compagnies d'assaut
dès que l'ouvrage sera enlevé et consolider les positions conquises.
Les 1re et 8e compagnies sont en réserve avec deux
compagnies du 22e régiment d'infanterie coloniale.
A l'heure indiquée, les vagues d'assaut s'élancent avec un
entrain admirable et dans un ordre superbe. Elles sont reçues
par un feu de mousqueterie intense et par un violent tir d'artillerie.
Dès les premiers instants, les pertes sont terribles. Les
officiers tombent les premiers à la tête de leurs hommes: au
1er bataillon, c'est d'abord le capitaine Saint-Gall, qui tombe
blessé, et le sous-lieutenant Coupeau, tué; puis le capitaine
Loche, le sous-lieutenant Boisseau, tués tous deux, et enfin le
lieutenant Perrichon, qui, après avoir entraîné les 2e et 3e
compagnies jusque dans l'ouvrage ennemi, tombe à son tour
blessé sous l'ouragan de fer et de plomb. Les deux compagnies
hésitent un instant, mais se reprennent vite et se cramponnent
au terrain conquis. Rien ne les en délogera plus.
Au 2e bataillon, le combat est aussi meurtrier et l'élan des
marsouins est le même. La première vague entre d'un bond
dans l'ouvrage et s'y avance jusqu'au niveau du 1erbataillon.
Les officiers et soldats sont fauchés en masse, mais la position
est prise et bien prise. Le bataillon perd le capitaine Delalbre,
tué en s'exposant héroïquement pour demander le tir de l'artillerie;
les sous-lieutenants Pelon, Clousset, Rossy sont tués.
Malgré tout, on progresse en combattant à la grenade.
Cependant, l'ennemi veut à toutes forces reprendre le fortin
si âprement disputé; il lance quatre contre-attaques successives.
La dernière, faite le 28, à 8 heures, est d'une violence
inouïe. Rien ne peut faire lâcher prise aux héroïques compagnies
du 3e régiment d'infanterie coloniale; malgré le manque
de vivres, malgré la pluie, malgré la fatigue des survivants,
tous les efforts de l'ennemi échouent. Quand le 91e régiment
d'infanterie vient relever les deux bataillons, l'ouvrage entier
est bien à nous.

Les rapports laissés par les chefs de bataillon, forcément
sobres de détails, ne donnent malheureusement pas le récit de
tous les actes individuels de bravoure, ni les noms de tous les
héros qui tombèrent dans cette glorieuse affaire, après des actes
dignes d'être inscrits au Livre d'or de l'infanterie coloniale.
La tradition du Corps a conservé, cependant, le souvenir
de cette terrible nuit du 27 au 28, au cours de laquelle quelques
hommes, blessés pour la plupart, arrêtèrent sur plusieurs
points les Allemands cherchant à reprendre les boyaux d'accès.
C'est au cours d'une de ces luttes qu'un adjudant du régiment,
se battant à peu près seul derrière un barrage, poussa le cri
resté légendaire : « Debout les morts! »
Les bataillons du 3e régiment d'infanterie coloniale avaient
fait l'admiration de tous. Le lieutenant-colonel Bonnin, commandant
l'attaque, écrivait au lieutenant-colonel Condamy :
« Je vous félicite d'avoir sous vos ordres les soldats du 3e régiment
d'infanterie coloniale. Tous les espoirs sont permis avec
de telles troupes. »
C'est au cours de l'attaque du fortin de Beauséjour, qui
restera un des hauts faits de l'armée coloniale, que le médecin
Flourens, grièvement blessé par un éclat d'obus, trouve l'énergie
de panser un officier avant de prendre soin de lui-même.
C'est le soldat Bastard, qui, malgré une première blessure,
continue à avancer et s'élance à l'assaut au chant de la Marseillaise,
malgré une deuxième blessure très sérieuse, et ne
consent à quitter le champ de bataille qu'après avoir une troisième
blessure qui le mettait dans l'impossibilité de pouvoir
combattre.
Le régiment perdait dans cette affaire: tués, 6 officiers, 183
sous-officiers et soldats; blessés, 11 officiers, 565 sous-officiers
et soldats; disparus, 250 hommes.
En outre, 93 blessés légèrement avaient rejoint leur compagnie
au combat.
Les unités du 3e régiment d'infanterie coloniale, relevées
dans la nuit du 28 février au 1er mars, sont obligées de rester
sous la pluie, mais nul ne se plaint.
Le lendemain, quand le chef de corps va visiter les blessés
aux ambulances de Brand et de Malmy, ils l'acclament spontanément,
lui rappellent ses paroles du 26 et oublient leurs blessures
pour ne se préoccuper que du résultat de l'opération à
laquelle ils ont pris part.
Ce haut fait fut consacré par le Général commandant la 4e
armée, dans son ordre n° 19 du 10 mars 1915. 
Extrait des pages 15 à 18 de l'historique du 3ème Régiment d'Infanterie Coloniale  (source Gallica BnF)

 

Le fortin de Beauséjour est situé au nord de Minaucourt-le-Mesnil-lès-Hurlus, près de Massiges.
Pour plus d'informations sur le fortin de Beauséjour, consultez Le Petit Journal de Sainte-Ménehould. 


Photo de la carte du panneau d'information à l'entrée de la nécropole nationale de Minaucourt.


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